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L'HISTOIRE
L'histoire du nom Zekri remonte probablement à la plus lointaine antiquité. La première mention que j'ai retrouvée à propos de ce nom remonte au premier millénaire avant JC. Il s'agit d'un de ces "PEUPLES DE LA MER", originaires de la région egéo-anatolienne que l'on connaît sous le nom de Mycéniens. A partir du XIIIè siècle avant JC (époque présumée de la guerre de Troie), les Mycéniens migrent vers le sud et l'ouest, et s'installent en particulier dans le pays qui a été appelé plus tard Palestine. Trois peuples fasaient partie de ces Mycéniens : les Philistins (qui donnèrent leur nom à la Palestine), les Danuna et les Zeker (ou Zecher ou Thekker).
Ces peuples gardent pendant longtemps la culture Mycénienne mais finissent au bout de deux siècles par s'acculturer et devenir des Phéniciens. Au XIè siècle, les Zeker ainsi que les Philistins de la future Palestine sont les premiers à parcourir les anciennes voies commerciales qui portaient les "peuples de la mer" en Occident, à la recherche de matières premières et de nouveaux débouchés commerciaux.
Les Zeker étaient déjà un peuple puissant au XIè siècle avant JC selon à la fois un récit égyptien (Le voyage de Wenamun) et la tradition historique juive. Au contraire des Philistins dont on connaît la région d'installation en Occident (la Sardaigne), je n'ai pas trouvé trace du lieu d'élection des Zeker.
La trace des Zekri se perd ensuite jusqu'à l'époque de la Maurétanie tingitane en 168. Un monument archéologique connu sous le nom de Table de Banasa (Tabula Banasitana) présente une lettre envoyée par Marc-Aurèle à Coiedius Maximus, gouverneur de la province de Maurétanie Tingitane. Cette lettre concerne la demande d'accession à la citoyenneté romaine d'un certain Julianus, du "peuple" des Zegrenses :
"Nous avons pris connaissance de la requête de Julianus, du peuple des Zegrenses, jointe à ta lettre, et, bien qu'il ne soit pas habituel d'octroyer la citoyenneté romaine à des membres de ces tribus, si ce n'est pour des mérites indiscutables appelant la faveur impériale, puisque tu affirmes qu'il appartient aux premiers de son peuple et qu'il a fait preuve d'une très grande loyauté en manifestant sa soumission à nos intérêts, considérant d'autre part que nous pouvons penser qu'il n'y a guère chez les Zegrenses de familles capables de se prévaloir de services comparables aux siens, (...) nous n'hésitons pas à donner la citoyenneté romaine, tout en sauvegardant le droit local, à Julianus lui-même, à son épouse Ziddina et à leurs enfants, Julianus, Maximus, Maximinus et Diogenianus."
(Cité dans "Histoire Seconde", sous la direction de J.M. Lambin, éditions Hachette, 1996, p. 40).
Plusieurs éléments sont déductibles de cette lettre. Tout d'abord, les Zegrenses formaient un "peuple", donc une fédération de "tribus" dans la région de Banasa, autrement dit, dans la région nord-occidentale du Maroc actuel. Ensuite, il est clair que certains au-moins parmi les Zegrenses s'étaient latinisés (cf. les prénoms) au point de demander la citoyenneté romaine à l'Empereur.
La trace des Zekri ne réapparaît ensuite que vers 1300. Il s'agit de Sidi Bou Zekri, descendant de Moulay Idriss, fondateur de la Zaouia du Ksar Zekri, en Algérie. Ce Ksar fut détruit sans doute par le Mérinide Abou Ya'qoub Yousuf. Les Zekri seraient donc des Chorfa. Il est intéressant de noter qu'en 1282, le roi de Castille Alphonse X, apelle Ya'qoub à l'aide contre son fils Don Sanche.
Le nom des Zekri réapparaît avec éclat dans l'Espagne musulmane du XVè siècle. Le personnage de Hamet El Zegri ou Mahamet Zegri (connu également sous le nom de El Zegri Azaator) est le héros d'action héroïques s'inscrivant dans le contexte de la guerre menée par les royaumes de Castille et d'Aragon contre celui de Grenade. Un des plus célèbres capitaine du Roi Boabdil (Abou 'Abdelilah) de Grenade n'était autre que Hamet El Zegri. En 1485, Hamet el Zegri, caïd de Ronda, vint héroïquement au secours de la garnison de Coín, assiégée par les rois catholiques. Le moral des troupes musulmanes ayant été sérieusement affecté par la destruction de fortifications par les bombardes ennemies, il exhorta ses troupes avec le discours suivant :
"Musulmans. Je veux voir qui maintenant a pitié des femmes et des enants de Coín, qui conçoit avec amertume la mort et la cativité. Ceux que motive la loi d'Allah, qu'ils me suivent, car je suis résolu à mourir comme Maure au secours d'autres Maures".
Quant il arriva avec ses troupes Ghomaras en vue de Coín, il fonça à travers les lignes ennemies et pénétra par une brèche dans la forteresse. L'adversaire du jour de Hamet El Zegri était le chevalier chrétien Don Pedro Ruiz de Alarcón, capitaine de la garde personnelle du roi. La victoire sourit aux musulmans.
En 1486, nous retrouvons Hamet El Zegri aux côtés de Boabdil lors de l'attaque du Roi d'Aragon, Don Fernando, contre Loja. Celui-ci se vit confier la mission de défendre la ville contre les armées chrétiennes. Après un siège de plusieurs jours, l'armée de Boabdil dut capituler.
Plus tard, ce même Mahamet Zegri, a défendu héroïquement le château de Gibralfar. Il fut fait prisonnier de Fray Francisco Jimenez de Cisneros, Archevêque de Tolède. Il semblerait qu'il se soit alors converti au catholicisme, recouvrant par là ses biens et ses titres et devenant un chef militaire de première ordre auprès du nouveau pouvoir catholique en 1501 (9 ans après la chute de Grenade en 1492).
L'histoire des Zekri andaloussis est intéresssante à plus d'un titre. Cette famille, classée arabe par les généalogistes de l'époque, et originaire de Cordoue, faisait partie de la noblesse grenadine et était considérée comme rivale de la famille des Abencerages. Or, malgré la prééminence militaire attestée des Zekri durant les guerres contre les rois catholiques, le nom des Zegri n'a été gardé dans la mémoire grenadine qu'en tant que rivaux déloyaux des "nobles" Abencerages. L'Alhambra garde aujourd'hui encore le souvenir des Abencerage mais pas celui des Zegri. Or il s'avère que l'histoire de Grenade ayant été écrite par des chrétiens (Gines Perez de Hita, en 1595), le beau rôle a été donné aux Abencerage qui après la défaite de Boabdil émigrèrent avec lui vers les côtes marocaines. En revanche, le célèbre Hamet El Zegri, se convertit au catholicisme, devenant par là un morisque et sauvant ainsi ses biens de la convoitise des chevaliers chrétiens. Hamet El Zegri devint alors Gonzalo Fernandez Zegri, Chevalier de Grenade en 1501. Les morisques, comme les marranes (juifs convertis) étaient soupçonnés d'avoir gardé leur foi d'origine et de continuer à la pratiquer en cachette, ce qui a été attesté pour certains. Ce soupçon ajouté au dépit de ne pouvoir confisquer leurs biens, a conduit à l'élaboration de l'image de "traîtres" par l'historiographie chrétienne. Aujourd'hui encore, on peut trouver au nord de Grenade un lieu dit El Zegri et des rues du même nom à Grenade et à Malaga. Plusieurs familles grenadines portent ce nom de nos jours.
Depuis, le nom des Zekri apparaît sous différentes graphies au Maroc, en Algérie, en Espagne, en France et ailleurs. Mais il reste à déterminer à quelle époque ce nom s'installa dans ces différents pays. Il est probable que l'installation au Maghreb et en France soit consécutive à la déportation des morisques de Grenade le 9 Décembre 1609 par Philippe III.
Au Maroc, on trouve des Zekri à Tétouan, ville grenadine s'il en est.
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